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L'influence de la majorité:
le
conformisme [1/2]
Tout d'abord, une petite définition : selon les psychologues sociaux, il y a conformisme lorsqu'il y a modification du comportement, des opinions ou des perceptions résultant de la présence réelle ou imaginée d'une personne ou d'un groupe de personnes. Ces influences sont souvent très subtiles et non intentionnelles - ce sont presque des réflexes, comme le mentionne Cialdini (1985), par exemple bailler en voyant les autres bailler, rire en entendant les autres rire. Peut-être est-ce pour cette raison que beaucoup de séries comiques de la télévision américaine nous font entendre des rires pré enregistrés. Selon une recherche effectuée en 1988, il semblerait que ce procédé soit efficace.
Sherif (1936) fut un des pionniers de l'étude du conformisme. Il estimait que lorsque les gens sont dans une situation peu familière, qu'ils ne connaissent pas la façon d'agir, à savoir les " normes " en vigueur dans ce contexte, le comportement des autres devient un critère sur lequel ils ajustent leur propre comportement et auquel ils se conforment davantage.
Pour tester cette hypothèse, Sherif utilisa l'effet autocinétique. Dans une pièce totalement sombre, une petite source lumineuse fixe semble se déplacer. Cette impression est purement subjective puisque la lumière est fixe, mais certains la voient se déplacer de quelques centimètres tandis que pour d'autres, elle se déplace d'un mètre ou plus. Dans un premier temps, les sujets sont seuls et donnent leur estimation, laquelle varie beaucoup d'un individu à l'autre. Par la suite, pendant trois séances consécutives, des groupes de trois sujets donnent leur estimation à tour de rôle. Au bout de trois jours, chaque groupe a établi ses propres normes d'estimation, vers lesquelles convergent les estimations individuelles même si elles étaient très différentes au début. Je vous rappelle que le point étaient, en réalité, complètement fixe. On en concluait que lorsque la réalité n'était pas très évidente, le conformisme s'installait parce que les autres servaient de cadre de référence.
Quelque quinze années plus tard, Salomon E. Asch, en 1951, introduit l'idée que même dans des situations où la réalité physique est évidente, on peut observer un certain conformisme.
Imaginez la situation suivante: On vous a recruté pour participer à une expérience de psychologie. Lorsque vous arrivez au local convenu, six autres sujets sont déjà arrivés. En réalité, ce sont des assistants payés pour induire en erreur le véritable sujet de l'expérience, qui ce trouves être vous. Bien sûr vous ne connaissez alors pas cette donnée de l'expérience. Vous prenez donc la seule chaise disponible.
L'expérimentateur arrive ensuite, qui explique la tâche à exécuter : " il s'agit d'un test de discrimination visuelle ". On vous montre des cartons avec des lignes de différentes longueurs et votre tâche consiste à indiquer la ligne qui est la plus semblable à une ligne désignée comme étalon. Cela paraît facile - on effectué un pré-test qui a démontré que l'unanimité des sujets la réussissaient correctement. On commence à répondre de gauche à droite, vous serez donc le dernier à répondre.
Les premiers tours passent rapidement et sans incident. Tous les sujets donnent facilement la bonne réponse : vous trouvez peut-être cette recherche un peu banale parce que trop facile et les stimuli présentés sont trop évidents. Tout à coup, au troisième essai, le premier sujet donne une réponse erronée, mais sans la moindre hésitation dans la voix ni dans les gestes. Que se passe-t-il ? A-t-il perdu la tête, la vue ou les deux à la fois ? Le deuxième sujet suit en donnant la même réponse, manifestement erronée. Lui aussi a perdu la tête ! Le troisième sujet donne la même réponse, l'air aussi sûr de lui… Avant même que vous ayez trouvé une bonne explication à ces comportements, les six personnes qui répondent avant vous ont toutes donné la même mauvaise réponse. Votre tour arrive. Qu'allez-vous faire?
Il y a beaucoup à parier que vous allez faire comme les sujets de Asch (l'expérience reproduite sur une centaine d'étudiants et de professeurs d'université - donc un public pas spécialement crédule), et que vous allez vous conformer. Les sujets de cette recherche se sont conformés à cette erreur de la majorité 37 % du temps. Tous les sujets ne se sont pas conformés. Environ 25 %, seulement, ont refusé de se conformer à tous les essais. A l'autre extrême, environ 50 % des sujets se sont conformés une fois sur deux. Le reste des sujets se sont conformés occasionnellement. Asch a donc démontré que même lorsque la réalité est très évidente (contrairement aux affirmations de Sherif), les gens peuvent être amenés à se conformer.
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