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L'influence de la majorité:

le conformisme [2/2]


 

Pourquoi se conforme-t-on ?

* Si plusieurs personnes semblent d'accord entre elles, je peux finir par croire qu'elles ont raison ; pourquoi toutes les personnes se tromperaient-elles? Cela est d'autant plus vrai que la réalité n'est pas très évidente (comme pour l'expérience de Sherif). Je serai donc porté à me conformer, pensant que les autres doivent avoir raison. Peut-être possèdent-ils une information que je n'ai pas, ou à laquelle je n'ai pas accès.

* L'influence des normes m'amènera peut être à me conformer par peur des conséquences négatives ou pour être mieux aimé ou accepté. Qu'est-ce que les autres vont penser de moi si je ne dis ou si je ne fais pas comme eux ? Les autres servent alors de critère parce que j'ai besoin de leur approbation, que j'ai peur de leur rejet, ou que je ne veux tout simplement pas avoir de problèmes avec eux. L'influence est bien sûr d'autant plus forte que le groupe est perçu comme étant bien informé et que j'ai confiance en son jugement (profs, scientifiques…).

En somme, la motivation à se conformer tire son origine du désir d'être bien vu et aimé par le groupe.

Le conformisme peut prendre différentes intensités.

On peut distinguer le conformisme public et le conformisme privé. Si je demeure convaincu au fond de moi-même que j'ai raison, mais que je me soumets à ce que les autres disent, je fais preuve de conformisme public J'ai une opinion publique et une opinion privée. Dans une variante de l'expérimentation de Asch, on demandait au sujet de répondre par écrit (sans que les autres sachent sa réponse), mais après avoir entendu la réponse des complices Dans ce cas, le conformisme diminue beaucoup. Mais le plus surprenant, c'est que je peux parfois vraiment changer d'avis et être convaincu par cette nouvelle source d'influence. Ce sera alors du conformisme privé: lors de l'expérience, le professeur Asch reposait parfois plusieurs fois la question, et certains des sujets défendaient leur point de vue, ou plutôt celui du groupe, avec vigueur, s'étonnant même qu'il insiste.

Certains sujets, quelques 10%, semblaient convaincus que l'opinion, pourtant erronée, de la majorité était réellement correcte, et persistaient à l'affirmer même après qu'on leur eut révélé le sens du test et le fait que les six autres participants jouaient un rôle. Les commentaires de ces individus suggéraient qu'ils n'étaient conscients d'aucune différence entre l'opinion de la majorité et les faits réels de la situation. Par un phénomène de rationalisation, ils avaient l'impression d'avoir été parfaitement exacts dans leurs réponses. De tels résultats sont particulièrement intéressants puisqu'ils suggèrent que la perception de données peut être influencée par l'accord social.

Le taux de conformisme augmente-t-il avec le nombre de complices qui donnent la même mauvaise réponse avec une majorité unanime?

Même si cette idée a du sens, ce n'est pas le cas en réalité. Lorsque Asch a utilisé des groupes de différentes tailles, jusqu'à 15 complices, il a observé que le conformisme augmentait en fonction du groupe, mais jusqu'à un certain point seulement. Au-delà de trois ou quatre complices, le taux de conformisme n'augmentait plus il atteignait un plateau et se stabilisait autour de 37%. Dans la situation originale, les sujets se trouvent confrontés à une majorité unanime.

Que se passerait-il si le sujet avait un allié ? Sur cinq complices par exemple, quatre pourraient donner la même mauvaise réponse et le cinquième donnerait la bonne réponse. Dans une telle situation, Asch a observé que le conformisme diminue grandement, pour se situer autour de 6 %. Dans une autre variante, Allen et Levine (1971) ont fait varier la compétence perçue de cet " allié ". Dans une expérience par exemple, il portait des verres très épais et en examinant les cartons que l'expérimentateur montrait, il se plaignait que sa vision n'était pas très bonne. Cela ne faisait pas un allié très rassurant, mais sa présence a suffi à réduire le taux de conformisme. Cela suggère que l'important n'est pas tant d'avoir quelqu'un qui a la même idée que nous, mais bien d'avoir une autre personne qui " ose " elle aussi défier la majorité.

Avez vous déjà observé qu'une personne qui s'est compromise publiquement change difficilement d'avis, même si elle réalise qu'elle est la seule à défendre cette opinion ? Dans une autre variante de la situation expérimentale de Asch, on commençait d'abord par le vrai sujet. Lorsque celui-ci entend ensuite la majorité choisir la même mauvaise réponse à l'unanimité et qu'on lui donne l'occasion de modifier sa réponse, on observe qu'il est beaucoup moins influencé par cette majorité : le taux de conformisme se situe entre 5 et 6 %. Il semblerait qu'il soit plus important de " garder la face " contre vents et marées que de subir le rejet ou la désapprobation du groupe. Les personnes qui ont un grand besoin d'approbation sociale se conforment plus rapidement que celles qui en ont moins besoin. Elles semblent ainsi essayer de se faire aimer des autres. Enfin, les individus à tendance autoritaire se conformeraient plus souvent que ceux que les autres, peut être en raison de leur respect inconditionnel pour les conventions, les normes, le pouvoir et l'autorité.

Une difficulté à prendre conscience de soi ? Le fait que le conformisme soit aussi important repose certainement sur le fait que nous avons tendance à éviter de nous sentir conscients de nous-mêmes. La majorité des gens ne veulent pas être particulièrement remarqués. Ils tâchent de parvenir à la " normalité " dans leur apparence, leurs habitudes alimentaires le style et la décoration de leur maison, leurs choix de meubles et de voitures, et ainsi de suite. Etre différent attire l'attention des autres. Être différent peut également rendre un individu plus conscient de lui-même. Cet état de conscience de soi peut souvent correspondre à une expérience négative parce qu'il crée chez l'individu une préoccupation quant à ses défauts ou ses déficiences. En évitant la singularité, le malaise est évité et l'uniformité est encouragée. Mais vaut il mieux se poser des questions sur sa propre perception des choses ou vivre par procuration ?


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